Le néant des choses passées
by Jean Lahor (Henri Cazelis) (1840-1909)
Oh! que d’univers engloutis
Dont nous ignorons les naufrages,
Tous sombres, tous anéantis
Dans l’abîme effrayant des âges!
Quelle est donc la réalité?
Est-ce la Mort? Est-ce la Vie?
La Vie, et l’immense clarté,
Ou la Mort, la nuit infinie?
— L’Être, serait-ce le Néant
Qui dans mon vide se reflète,
Et de pourpre et d’or, en créant,
Attife un moment son squelette?
Dans le tourbillon éternel
Où roulent sans fin les atomes,
Qu’entrevoyons-nous de réel,
Fantômes parmi des fantômes?
J’apparais une heure et je fuis,
Rentrant dans l’ombre d’où j’arrive.
Vague étincelle entre deux nuits :
Qu’est l’existence fugitive?
Des millards d’êtres sont morts;
Et ce long défilé des races
Tous ces esprits et tous ces corps
Ont à peine laissé leurs traces!
Qu’est cet étroit monde vivant
Auprès des foules entassées
Des morts, sur qui je vais rêvant
Au néant des choses passées!
— Tout mon être tremble; j’air peur
Du noir abîme où je tombe!
Oh! la nuit sans fond, et l’horreur.
Oh! le puits béant de la tombe!
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